L'Interview croisée : Daniel Nahon-Christian Burle sur la souveraineté alimentaire

Christian Burle, vice-président de la Métropole délégué à l’Agriculture, la Viticulture, à la Ruralité, à l’Alimentation et aux Circuits courts, et Daniel Nahon, vice-président du CoDev délégué à l’environnement, ont échangé, le temps d’un entretien croisé, des grands enjeux de la Métropole concernant la souveraineté alimentaire ainsi que les propositions et les solutions pouvant être apportées par le Conseil de Développement pour y répondre au mieux.

Quels sont les grands enjeux de la souveraineté alimentaire pour la Métropole ?

Christian Burle : « À l’échelle locale, l’agriculture métropolitaine est confrontée à des situations qui la fragilisent. Pour la renforcer, la Métropole a mis en place, dès 2018, un Projet alimentaire territorial, et a lancé, en mai dernier, un plan d’actions en faveur de la souveraineté alimentaire. Ces démarches permettent de renforcer la place de l’agriculture sur le territoire et de rapprocher la production agricole locale des habitants. Nous avons mis en œuvre des actions fortes et concrètes pour faciliter l’accès des agriculteurs à la terre et pour développer les circuits courts. La Métropole a déjà installé cinq agriculteurs et entend consolider son action de reconquête des friches agricoles. Elle a, entre autres, créé deux halles de producteurs à Plan de Campagne et à La Barrasse à Marseille. Des actions sont également menées pour que les cantines scolaires proposent des produits locaux de qualité aux enfants. »

Daniel Nahon : « Les questions de souveraineté alimentaire du territoire apparaissent essentielles tant elles touchent au cœur même de la sécurité alimentaire des habitants de la métropole. Ce territoire doit faire face à des phénomènes qui le dépassent mais dont il subit et subira de plus en plus les conséquences : une érosion sans égale des terres, leur pollution tout comme celles des eaux et de l’air, mais aussi un dysfonctionnement de nos cycles climatiques. À cela s’ajoutent les incertitudes locales et régionales des mouvements sociétaux, des bouleversements politiques et des conflits. Nos élus peuvent, à l’échelle locale, prendre des décisions de nature à atténuer ces conséquences, à préserver nos ressources et notre biodiversité, afin de contribuer à renforcer la résilience métropolitaine face à ces bouleversements. À ce titre, un soutien fort à l’agriculture locale est une des clés pour permettre à la population métropolitaine de satisfaire une grande partie de ses besoins alimentaires. »

Quels éclairages le CoDev peut apporter aux élus métropolitains ?

Daniel Nahon : « La force du Conseil de Développement, c’est la diversité de ses membres. Il y a une véritable richesse d’intelligences plurielles que la Métropole peut mobiliser à tout instant, quel que soit le sujet. C’est un terrain fertile qui est capable, lorsqu’il est ensemencé par les apports des techniciens de la Métropole et des élus, comme cela a été le cas pour ce travail, de formuler des propositions très concrètes. Parmi les membres du CoDev qui ont travaillé sur ce sujet, il y a des experts, comme moi, des agriculteurs proches de la réalité du terrain, et des citoyens, des habitants engagés au-delà des appartenances partisanes qui ont apporté, dans cet espace d’expression sans limite d’imagination, leur vécu de consommateur, leur attention pour ce terroir, leur passion pour cette terre. »

Christian Burle : « Le 12 juillet dernier, le président du Conseil de Développement m’a invité à participer à la réunion où les membres du CoDev ont réfléchi ensemble pour faire leurs propositions. J‘ai été associé à toute la démarche et j’ai compris leurs préoccupations. J’ai découvert des habitants impliqués, ouverts et à l’écoute. J’ai pu à nouveau m’exprimer lors de l’assemblée plénière où l’avis a été discuté, fin septembre. J’ai pu dire à cette assemblée combien j‘étais heureux qu’on y parle d’agriculture. Les débats ont été animés et ont montré l’intérêt que les citoyens peuvent porter à un domaine comme l’agriculture. Avec ce Conseil de Développement, nous, élus, avons un accès direct à une représentation de la société civile qui a envie de nous entendre. J’ai vu qu’ils sont capables de produire des idées dans tous les domaines qui concernent la Métropole, ce qui est vraiment précieux pour les élus. »

En quoi les propositions du CoDev « Pour une agriculture métropolitaine forte, nourricière et accessible » peuvent aider les élus de la Métropole ?

Daniel Nahon : « Le CoDev a identifié trois propositions fortes, assorties d’actions concrètes. Nous proposons de sanctuariser les terres agricoles dans les documents d’urbanisme métropolitains et de lutter contre leur pollution, en se dotant de brigades métropolitaines. Il nous est également apparu essentiel de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs, de faciliter la transmission des exploitations, d’encourager l’agriculture urbaine, de favoriser la création d’entreprises innovantes et la recherche. Enfin, pour développer l’économie agricole locale et rapprocher producteurs et consommateurs, nous proposons de favoriser l’implantation d’îlots de producteurs locaux en zones commerciales ou d’accroître le nombre de halles de produits agricoles locaux dans les villes. »

Christian Burle : « Ces propositions sont très intéressantes et posent les bonnes questions. Je suis moi-même agriculteur, et c’est un des plus beaux métiers du monde, car nous nourrissons la population. L’agriculture est un secteur économique majeur pour la Métropole. Mieux faire connaître ce métier comme le propose le Conseil de Développement est essentiel, mais il faut aussi sensibiliser le grand public et surtout les enfants. Cela peut passer par la consommation de produits locaux dans les restaurants scolaires et d’entreprises. Les propositions de favoriser l’implantation d’îlots de producteurs locaux en zones commerciales et de faciliter la distribution des paniers de produits paysans locaux dans les entreprises sont aussi très pertinentes. Maintenant que le CoDev a voté cet avis, nous allons, dans les prochains jours, voir avec les services et les élus métropolitains comment nous en saisir pour mettre en œuvre certaines de ces propositions, et ainsi renforcer l’action de la Métropole en matière de souveraineté alimentaire. »